Nord-Kivu : Fusillade à Katoyi (Masisi)|Un affrontement entre groupes armés fait plusieurs morts et des une dizaines de blessés
Masisi, Nord-Kivu – Lundi 19 mai 2025
Une fusillade tragique a endeuillé la localité de Katoyi, située dans le territoire instable de Masisi, au cœur de la province du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo. Survenue le dimanche 18 mai, l’attaque a coûté la vie à au moins trois personnes et fait dix blessés graves, selon un bilan provisoire rapporté par plusieurs sources locales concordantes. Les victimes, toutes civiles, ont été touchées par des tirs d’armes à feu en plein centre de la localité, semant une vague de panique dans la population.
D’après plusieurs notables de Katoyi, le tireur serait un combattant du groupe armé dirigé par Obedi Makuba, une milice muzalendo (patriotique) opérant activement dans cette région minée par les conflits communautaires et les rivalités armées. Selon leurs témoignages, le milicien aurait ouvert le feu sans provocation apparente, dans un état manifeste d’ébriété. L’homme armé aurait tiré au hasard sur des civils qui vaquaient à leurs occupations, semant la terreur en quelques minutes.
« C’était la panique totale. Les gens couraient dans tous les sens. On ne comprenait rien. On a vu des corps tomber », témoigne un habitant encore sous le choc.
Le motif de cet acte reste flou, mais cette version tend à incriminer un comportement individuel incontrôlé d’un milicien, soulignant une fois de plus la dangerosité de la prolifération d’armes et de groupes armés dans les zones peu contrôlées par l’État.
Cependant, d’autres sources dans la communauté avancent une explication différente. Selon plusieurs habitants interrogés, l’incident résulterait plutôt d’un affrontement entre deux groupes armés rivaux : les hommes d’Obedi Makuba et ceux du mouvement PARECO, également présent dans la région. Ces deux factions seraient entrées en conflit autour du contrôle de barrières illégales – des postes de perception de taxes improvisés souvent dénoncés par les organisations de défense des droits humains.
« C’est une altercation entre miliciens qui a dégénéré. Ils se disputaient le pouvoir sur les barrières, et les tirs ont commencé. Malheureusement, ce sont les civils qui ont payé le prix fort », explique un enseignant de la zone, témoin des événements.
Cette hypothèse suggère que les civils tués et blessés seraient des victimes collatérales d’un conflit plus large, dans un contexte où l’absence d’autorité étatique réelle permet aux groupes armés d’imposer leur loi.
Les dix blessés, dont certains sont dans un état critique, ont été évacués en urgence vers les structures de santé locales. Malheureusement, ces centres médicaux, déjà surchargés et mal équipés, peinent à répondre efficacement à l’afflux de patients.
« Nous avons reçu plusieurs blessés par balles, mais nous manquons de médicaments, de matériel de chirurgie, et même de personnel qualifié pour certains cas », confie un infirmier de Katoyi, appelant à l’aide humanitaire.
Cette difficulté à gérer les urgences médicales illustre l’un des nombreux défis auxquels font face les zones rurales du Nord-Kivu, où la guerre a fragilisé le système de santé depuis des décennies.
Jusqu’à présent, ni les autorités administratives, ni les responsables sécuritaires du territoire de Masisi n’ont publié de communiqué officiel sur cette fusillade. Ce silence suscite l’inquiétude et la colère de nombreuses voix dans la société civile, qui exigent une enquête sérieuse et indépendante pour faire la lumière sur les circonstances exactes du drame.
« Ce n’est pas la première fois que des civils sont tués dans des conditions troublantes, et chaque fois, tout reste impuni. Il faut que cela cesse », dénonce une militante de la société civile locale.
Des organisations communautaires appellent également à un désarmement immédiat et effectif des groupes armés, ainsi qu’au renforcement de la présence de l’État dans les zones rurales abandonnées.
Le territoire de Masisi demeure l’un des épicentres de la violence dans l’est de la RDC. Il est le théâtre d’une multitude de conflits armés, mêlant milices locales, groupes rebelles étrangers, et bandes armées opérant pour des intérêts économiques, fonciers ou ethniques. Malgré les efforts déployés par les autorités congolaises et la communauté internationale, notamment la MONUSCO, la région reste plongée dans une insécurité chronique.
La tragédie de Katoyi vient rappeler, une fois de plus, la vulnérabilité des populations civiles, prises entre les feux croisés d’une guerre qui ne dit pas son nom. Tant que les armes parleront plus fort que la loi, la paix durable restera un rêve lointain pour les habitants du Masisi.
Radio Okapi.